
Nomination des gérants (SARL) et administrateurs (SPA): Pour la conformité aux dispositions du Code de Commerce
Pour la conformité de la nomination des gérants (SARL) et administrateurs (SPA) aux dispositions du Code de Commerce
1- Plusieurs sociétés se retrouvent aujourd’hui à faire face à des démarches et des coûts supplémentaires depuis que le CNRC les oblige à porter toute modification des gérants ou des administrateurs sur les statuts des sociétés, une exigence qui va bien au-delà de ce que prévoient les dispositions du Code de commerce. Or, ce sont celles-ci qui déterminent les procédures à suivre pour la nomination des gérants ou administrateurs, des procédures d’une grande importance pour la bonne marche des sociétés et pour les équilibres du pouvoir de décision des associés ou des actionnaires.
Ainsi, pour les Sociétés par actions (Spa), à l’exception des premiers administrateurs qui sont, suivant le Code de commerce, portés sur les statuts lors de la constitution de la société (article 609), les administrateurs sont élus par l’Assemblée générale ordinaire (article 611). Ainsi, c’est le procès-verbal de cette Assemblée générale ordinaire, publié le cas échéant au BOAL - Bulletin Officiel des Annonces Légales, qui est le document qu’est en droit de demander le CNRC en cas de changement d’administrateurs, et non pas des statuts modifiés.
C’est la même chose pour les Sociétés à Responsabilité Limitée (Sarl). Les gérants sont nommés dans les statuts ou en assemblée des associés statuant à majorité simple (articles 576 et article 582, Alinéa 1er). Ainsi, un Procès-verbal de l’assemblée des associés ou une décision des associés représentant plus de la moitié du capital social est le document valide formalisant un changement de gérant.
2- Lorsque le CNRC demande des statuts modifiés pour des changements qui ne requièrent pas de changement de statuts, cela oblige les entreprises à tenir des assemblées générales extraordinaires et à amender leurs statuts, occasionnant ainsi un supplément de délais et de coûts tout à fait superfétatoires.
Mais cette exigence qui va au-delà des prescriptions légales a d’autres conséquences encore plus graves : elle déséquilibre les dispositifs de droits et pouvoirs des associés ou actionnaires institués par le Code de commerce et qui font partie des règles fondamentales de la gouvernance des sociétés.
Les décisions de changement d’administrateurs ou de gérant font partie des prérogatives d’assemblées ordinaires qui délibèrent à la majorité simple (plus de 50% des voix). Si ces décisions doivent être portées sur les statuts, l’organe de décision devient l’assemblée générale extraordinaire qui répond à d’autres règles, dont notamment une majorité supérieure, de deux-tiers (2/3) pour les Spa et trois-quarts (3/4) pour les Sarl.
Il est donc souhaitable que le CNRC ne vienne plus exiger des sociétés des actes qui outrepassent les prescriptions légales et qui, de surcroit, déséquilibrent les droits et pouvoirs de gouvernance des sociétés institués par le Code du commerce.
Encadré 1 : Extraits du Code du Commerce Pour les SARL : Art. 576. - La société à responsabilité limitée est gérée par une ou plusieurs personnes physiques. Les gérants peuvent être choisis en dehors des associés. Ils sont nommés par les associés, dans les statuts ou par un acte postérieur, dans les conditions prévues à l'article 582, alinéa 1er. Art. 582 – Alinéa 1er Dans les assemblées ou lors des consultations écrites, les décisions sont adoptées par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié du capital social. Art. 586 - Toutes modifications dans les statuts sauf stipulation contraire, sont décidées à la majorité des associés représentant les trois-quarts du capital social. Toutefois, en aucun cas, la majorité ne peut obliger un des associés à augmenter sa part sociale. Pour les Spa : Art. 609 - Les premiers administrateurs ou les premiers membres du conseil de surveillance et les premiers commissaires aux comptes sont désignés dans les statuts. Art. 611 Les administrateurs sont élus par l'assemblée générale constitutive ou par l'assemblée générale ordinaire. La durée de leur mandat est déterminée par les statuts sans pouvoir excéder 6 ans. Art. 674. (Modifié) L'assemblée générale extraordinaire est seule habilitée ‡ modifier les statuts dans toutes leurs dispositions ; toute clause contraire est réputée non écrite. Elle ne peut, toutefois, augmenter les engagements des actionnaires, sous réserve des opérations résultant d'un regroupement d'actions régulièrement effectué. Elle ne délibère valablement que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins, sur première convocation, la moitié et, sur deuxième convocation, le quart des actions ayant le droit de vote. A défaut de ce dernier quorum, la deuxième assemblée peut être prorogée à une date postérieure de deux mois au plus à celle à laquelle elle avait été convoquée, le quorum exigible Étant toujours le quart. Elle statue à la majorité des deux tiers des voix exprimées ; dans le cas où il est procédé à un scrutin, il n'est pas tenu compte des bulletins blancs. Art. 675 - L'assemblée générale ordinaire prend toutes les décisions autres que celles visées à l'article 674. Elle ne délibère valablement sur première convocation que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins le quart des actions ayant le droit de vote. Sur deuxième convocation, aucun quorum n'est requis. Elle statue à la majorité des voix exprimées ; dans le cas où il est procédé à un scrutin, il n'est pas tenu compte des bulletins blancs. |
3- A titre subsidiaire, il est peut-être utile pour la compréhension de certains de commenter l’interprétation qu’il est adéquat de donner à l’article 16 du Décret exécutif n° 15-111 du 3 mai 2015 fixant les modalités d’immatriculation, de modification et de radiation au registre du commerce. Il semblerait en effet que certains aient été amenés à en faire une interprétation rapide sans en mesurer les conséquences.
Encadré 2 : Article 16 du décret exécutif N° 15-111 Art. 16 - La modification du registre du commerce pour la personne morale, est effectuée sur la base d'une demande signée, établie sur des formulaires fournis par le centre national du registre de commerce, accompagnées des documents suivants : - l'original de l'extrait du registre du commerce ;
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4- Il est d’abord utile de rappeler l’importance de la hiérarchie des textes juridiques, et qu’un Décret d’application ne peut être interprété en contradiction avec des Lois ou Ordonnances de hiérarchie supérieure.
L’évocation de « un (1) exemplaire des statuts modifiés » dans les documents accompagnant la demande de modification de l’inscription au Registre de Commerce doit se lire comme une exigence d’accompagner la demande de statuts modifiés si les statuts sont modifiés, ou encore de fournir les derniers statuts modifiés de la société.
Cet article ne peut pas être interprété comme l’obligation de porter la modification de la gérance sur les statuts (et donc que ces décisions relèvent des assemblées générales extra ordinaires des sociétés) d’abord car l’article 16 ne dit pas explicitement cela.
5- Ensuite car le Décret en question a pour objet uniquement de déterminer les modalités de l’article 5 de la Loi n° 04-08 du 14 août 2004 relative aux conditions d’exercice des activités commerciales, lequel prévoit simplement que « Les modalités d’immatriculation au registre du commerce de modification et de radiation seront fixées par voie réglementaire ».
Ainsi donc, ni l’article 5 de la loi 04-08 ni l’article 1er du décret exécutif N° 15-111, ne peuvent absolument pas être interprétés de façon à faire intervenir un décret d’application dans un champ de compétence qui n’est absolument pas le sien, celui de la gouvernance des sociétés commerciales.
Encadré 3 : Article 1er du décret exécutif N° 15-111 Article 01 - En application des dispositions de l'article 5 de la loi n° 04-08 du 14 aout 2004, modifiée et complétée susvisée, le présent décret a pour objet de fixer les modalités d'immatriculation, de modification et de radiation au registre du commerce. |
6- Enfin, cet article d’un décret d’application ne peut pas s’interpréter en contradiction avec un texte légal de hiérarchie supérieure à savoir l’Ordonnance n°75-59 portant code de commerce.
7- Pour terminer, et par delà le fait que l’exigence du CNRC parait d’ordre purement procédurier et formel et qu’elle n’est justifiée par aucune préoccupation de fond pour ce qui est des modalités d’immatriculation au registre de commerce, il parait utile de bien mesurer les conséquences de cette obligation de modifier les statuts, et donc de prendre la décision en Assemblée générale extraordinaire pour les changements de gérants (Sarl) ou d’administrateurs (Spa).
Si une telle exigence devait finalement être retenue et validée au mépris des stipulations du Code de commerce, il faudrait alors en tirer les conséquences qui s’imposent, à savoir une révision urgente de tous les textes législatifs traitant directement ou indirectement du contrôle des sociétés. En particulier, cela reviendrait à poser comme principe qu’un actionnaire qui détient 51% des actions ou parts d’une société ne détient plus « contrôle réel » de sa société dans la mesure où, pour en changer les organes de gestion (gérance ou conseil d’administration), il doit prendre la décision en assemblée générale extraordinaire et il aurait besoin d’une majorité qualifiée des trois quarts (3/4) pour une Sarl, ou des 2/3 pour une Spa.
Cela impacte donc, sans être exhaustif, les textes relatifs à la comptabilité traitant du contrôle et de la consolidation.
Cela impacte aussi toute la législation exigeant pour certaines activités une part d’actionnariat nationale de 51%, le législateur ayant déterminé le niveau de 51% en se basant sur les dispositions du Code du commerce disposant qu’un actionnaire ayant 51% des actions a un pouvoir effectif de contrôle (en décidant de la gérance ou de la composition du Conseil d’administration). Le législateur devrait donc être averti qu’une interprétation rapide et imprudente d’un décret d’application a modifié la part de contrôle de 51% en la portant à 76% pour les Sarl et 67% pour les spa.
8- En conclusion et pour toutes les raisons exposées ci-dessus, CARE en appelle aux autorités compétentes afin de lever toute équivoque quant à la nécessité du respect des prescriptions du Code de commerce relative à la nomination des gérants et administrateurs des sociétés.
CARE- Mai 2021