L’HUILE D’OLIVE LOCALE, UNE ALTERNATIVE A L’IMPORTATION

Notes

PAR : CARE
01 Mars 2023

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  1. L’attention de CARE a été attirée par cette information communiquée par le Ministre du commerce en date du 16 février 2023[1], faisant état d’un chiffre de 108 Mds de DA consacrés par le Trésor public au soutien du prix de l’huile de table, pour les 11 premiers mois de l’année 2022. Sachant que la consommation nationale est estimée à quelque 600 000 tonnes en moyenne annuelle, on en déduit que pour chaque litre d’huile de table consommée en Algérie, l’Etat débourse un montant de 196 DA, soit 150% du prix acquitté par le consommateur.

  2. Par-delà le coût excessivement élevé pesant sur nos finances publiques, l’aspect le plus préoccupant est que cette subvention à la consommation interne sert à financer indirectement les importations massives des intrants importés qui sont utilisés dans les raffineries industrielles nationales. C’est pour faire face à cette anomalie structurelle que les autorités ont décidé de mettre sur pied de vastes programmes de soutien au développement de la production locale de ces matières premières agricoles (soja ; tournesol ; colza ; etc.). D’un point de vue pratique, cela revient à réorienter une subvention à la consommation qui sert aujourd’hui à stimuler les importations, vers le soutien à la production de matières premières agricoles destinées à l’industrie locale de transformation.  

  3. Cette évolution est positive et à saluer. Il est temps en effet que notre pays prenne vraiment à cœur l’objectif de sécurité alimentaire, qu’il exploite plus sérieusement son potentiel agricole et qu’il cesse d’adosser l’approvisionnement de la population en biens de première nécessité aux seules sources de l’importation. Cela étant, il faut garder à l’esprit que le défi est immense : en sus des difficultés objectives liées au démantèlement du système de subvention dans sa forme d’aujourd’hui, les obstacles de tous ordres, techniques, humains, financiers, etc., sont nombreux sur le chemin. C’est pourquoi CARE exprime le souhait que ces programmes en cours de soutien à la production locale prennent en compte le développement d’un autre produit local par excellence, à savoir l’huile d’olive.

  4. Les arguments en faveur de ce produit traditionnel de notre agriculture méditerranéenne sont évidents à tous égards :

    1. la production d’huile d’olive est relativement connue et maîtrisée depuis longtemps, même si elle a besoin d’être mieux soutenue, modernisée et développée, à une échelle plus large que celle qu’elle occupe actuellement ;

    2. Même si aucune autre solution ne devrait être écartée, il est certain que la relance de la production d’huile d’olive est nettement plus simple et moins coûteuse que celle du soja, du tournesol, du colza ou des autres spéculations concurrentes. Le développement de la production d’huile d’olive est la voie la plus aisée pour réduire la dépendance extérieure sur ce volet particulier des importations agricoles ;

    3. La consommation nationale d’huile d’olive est de l’ordre de 1 à 2 Litres/Habitant/an, tandis que celle des autres huiles raffinées est de 13 à 14 Litres/Habitant/an. Sa part actuelle du marché est ainsi de 6,5%. Sans prétendre à la comparaison avec un pays comme l’Espagne (il est vrai, premier producteur mondial) où elle est de 65%[2], il semble raisonnable de penser que celle-ci pourrait faire l’objet d’un programme sérieux de relance de nature à la faire croitre considérablement, dans une perspective de moyen terme ;

    4. L’huile d’olive est reconnue comme étant bénéfique au plan sanitaire. Sa consommation régulière contribue notamment à la réduction des risques liés aux maladies cardio-vasculaires, véritable fléau de santé publique.

  5. Il faut relever que, dans les conditions du système des prix actuels, l’huile d’olive est loin d’être compétitive sur le marché national aussi bien que sur les marchés internationaux[3]. Cela tient à une double contrainte que tout programme national de soutien au développement de cultures locales se doit de prendre en compte :
    1. d’une part, une reconversion progressive du dispositif de soutien aujourd’hui orienté vers le consommateur (et bien entendu, vers l’importation), en direction des producteurs locaux ;

    2. d’autre part, tous les pays qui ont développé leur production d’huile d’olive disposent de mécanismes solides de soutiens, budgétaires et non budgétaires, en direction de leurs producteurs.

Cette double contrainte liée à une approche étroite de la compétitivité – prix a, jusqu’ici, totalement faussé toute approche économique réfléchie et cohérente et se pose, dans la pratique, comme un des freins majeurs au développement des productions agricoles locales concurrentes aux importations. Cela est valable, du reste, dans le cas de l’huile d’olive comme dans celui d’autres filières agricoles (céréales ; laits ; viandes ; sucres ; etc.).

6. On ne dispose pas des détails concernant les dispositifs de soutien à la production de nombreux pays importants producteurs (Turquie ou Tunisie) mais on connait le système d’aides des pays de l’Union européenne (en particulier Espagne, Italie, Grèce et Portugal) qui représentent quelques 60 à 75% (suivant les années) de la production mondiale[4] d’huile d’olive.  

Ce système d’aides, complet et diversifié, englobe toutes les étapes de la production et de la commercialisation de l’huile d’olive au sein de l’Union européenne[5] ; il comporte notamment toute une panoplie de mesures touchant

  1. au suivi et la gestion du marché dans le secteur de l'huile d'olive
  2. à l'amélioration de l'incidence environnementale de l'oléiculture
  3. à l'amélioration de la compétitivité de l'oléiculture et à sa modernisation (systèmes d'irrigation ; techniques culturales ; rajeunissement des oliveraies ; formation des producteurs à de nouvelles techniques culturales ; etc.
  4. à l'amélioration de la qualité de la production d'huile d'olive
  5. à la traçabilité, la certification et la protection de la qualité de l'huile d'olive
  6. à la promotion commerciale en direction des consommateurs.

7. Notre pays gagnerait à s’inspirer de ce modèle européen pour l’adapter et mettre sur pied son propre programme d’action en vue de développer et promouvoir une filière solide de production d’huile d’olive.

Ce programme d’action serait complémentaire de celui déjà en cours en vue de développer des cultures telles que soja, tournesol ou colza (pour le cas des intrants de l’huile de table), ou de toutes les autres cultures entrant dans le cadre des objectifs de la politique de sécurité alimentaire que les autorités entendent conduire à bien.

Il importe néanmoins de souligner que la mise en œuvre de cette politique implique à la base de commencer à donner une suite concrète au projet de réforme du système national de subventions, un projet dont on rappellera qu’il figure en bonne place dans le programme du gouvernement actuel qui le considère à juste titre comme un élément essentiel d’une « gestion efficace et transparente des finances publiques ».

8. Les 108 Mds de DA que notre pays aura dépensés pour les onze premiers mois de l’année 2022 afin de soutenir le prix au consommateur d’une huile de table dont les intrants principaux sont importés, auraient été nettement plus utiles s’ils avaient servi au financement de la production et de la consommation nationales d’huile d’olive. On peut certes considérer qu’une telle dépense était contrainte et que les autorités n’avaient pas d’autre choix dans l’immédiat que celui de préserver le pouvoir d’achat des citoyens les plus pauvres.

En l’occurrence, l’écueil structurel, c’est que ce pouvoir d’achat des couches les plus défavorisées soit directement suspendu au flux des importations agricoles. Et c’est de ce cercle vicieux qu’il s’agit de sortir de toute urgence : pour le cas de l’huile, le lancement d’un programme efficace de développement de la production nationale d’huile d’olive offre en ce sens un exemple de solution simple et toute indiquée.

 CARE-Mars 2023

[1] https://news.radioalgerie.dz/ar/node/21845

[2] https://fr.oliveoiltimes.com/business/spain-sees-largest-olive-oil-consumption-increase-in-nearly-a-decade/68641

[3] Cf. notamment, l’excellente étude : « Boudi, Chehat & Cheriet, Compétitivité de la filière Huile d’Olive en Algérie, Cahiers du CREAD N° 105-106, Année 2013 »

[4] https://www.oliveoiltimes.com/world/olive-council-forecasts-significant-production-decline/115544

[5] Cf. in Journal Officiel de l’Union Européenne : Règlement délégué (UE) N° 611/2014 de la Commission du 11 mars 2014, complétant le Règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les programmes de soutien au secteur de l'huile d'olive et des olives de table.

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