
Mouloud Hedir, à propos de la hausse des prix des carburants : «Une compensation ciblée est impérative»
«L’augmentation touchant au gasoil, nettement plus importante, vise a priori à réduire l’avantage consenti jusque-là à un produit souvent utilisé comme intrant industriel mais considéré partout comme fortement polluant»
Il conviendrait d’aménager, au préalable, une forme de compensation ciblée pour amortir l’impact négatif sur le pouvoir d’achat des couches modestes de la population, préconise l’analyste Mouloud Hedir s’agissant de l’augmentation des prix du carburant décidée dans le cadre de la loi des finances complémentaire (LFC) 2020. Dans une note d’analyse réalisée sous le thème «la LFC : entre l’urgence des réformes et le poids des déficits» pour le compte du cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise (Care), l’expert relève que l’augmentation de la taxation appliquée aux carburants est significative et devrait continuer d’exercer une pression croissante sur leur consommation, laquelle devrait donc continuer de baisser au cours des années qui viennent, allégeant du même coup le poids de la subvention pesant sur le budget de l’Etat et la facture en devises de produits en grande partie importés.
«L’augmentation touchant au gasoil, nettement plus importante, vise a priori à réduire l’avantage consenti jusque-là à un produit souvent utilisé comme intrant industriel mais considéré partout comme fortement polluant», ajoute-t-il. Relevant une volonté certaine de continuer à réformer le système de subvention des carburants, il fera remarquer que «faute de transports publics performants, disponibles et accessibles, le relèvement des prix opéré ne manquera pas de pénaliser davantage les bas et moyens revenus pour lesquels la facture d’achat de carburant représente une dépense non négligeable». Cette contrainte risque de peser de plus en plus lourd dans la dépense de ces ménages, d’autant que le rattrapage des prix qu’il va falloir opérer, à l’avenir, reste encore substantiel, si l’on compare les prix algériens à ceux des pays de la région ou d’autres pays exportateurs de pétrole». L’autre aspect à ne pas perdre de vue est la rationalisation de la consommation, car la demande en carburant est passée de 2010 à 2019 de 10,5 à plus de 15 millions de tonnes. Enchaînant sur les réformes du système des subventions, il a rappelé que «le programme des réformes retenu à la suite de la loi autorisant le recours au financement non conventionnel prévoyait expressément deux actions, la réalisation en 2018 d’un recensement national des revenus des ménages, préparatoire à la rationalisation de la politique des subventions publiques et la mise en route graduelle, à partir de 2019, d’une nouvelle approche en matière de subventions de l’Etat au profit des ménages». Pour lui, «tant qu’une approche de la politique sociale adossée aux revenus ne sera pas techniquement possible et praticable, il ne sera pas possible de mener à bien l’indispensable réforme du système des subventions qui pèse lourdement sur le budget de l’Etat».
Priorité au financement de la croissance économique
Pour ce qui est des réformes de l’organisation économique, Hedir estime qu’«elles ne pouvaient à ce stade être engagées que de manière timide, faute de préparation suffisante et surtout pour ménager des équilibres sociaux fragiles à l’extrême». «Au-delà de la gestion des aléas d’une conjoncture étouffante, l’attention devrait être tournée en priorité vers la remise en ordre du système de financement de la croissance économique, jusque-là trop accaparé par un Trésor public omnipotent et par un secteur public économique inefficace», renchérit-il. Pour lui, «la priorité absolue de la politique publique devrait être celle de la mise en place et de la conduite de réformes structurelles d’une organisation économique défaillante».
la LFC 2020 prévoit un niveau de récession de 2,63%. «C’est une prévision encore incertaine, sachant que la pandémie est toujours active et que, selon de nombreux analystes à travers le monde, le retour à la normale et à la reprise complète de l’activité économique prendra plusieurs mois après la levée des mesures de confinement», a-t-il fait observer.
Wassila Ould Hamouda