Marchandises dans les ports: Lenteurs procédurières, amendes pour les importateurs

Care in the press

By : A.S- Transaction d'Algérie
16 Novembre 2020

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Instauration d’amendes sur les conteneurs : Les recommandations de CARE

Le Cercle de réflexion et d’action pour l’Entreprise (Care) a réagi à l’annonce du ministre des Transports concernant l’instauration d’amendes graduelles à l'encontre des entreprises dont les conteneurs sont retenus au-delà de 30 jours, au niveau des infrastructures portuaires du pays.

Cette mesure aurait pour objet de réduire le montant des surestaries en devises extrêmement lourdes que cela occasionne pour notre pays. Pour le ministère, il s’agit d’un réel fléau auquel il convient de mettre fin, sachant que, dans certains cas, des conteneurs pourraient demeurer en rétention jusqu’à une année. « Cette mesure peut paraitre, à première vue, raisonnable et justifiée. Il reste toutefois qu’il faut, comme pour toute mesure d’ordre légal ou réglementaire, prendre le soin d’analyser au préalable la nature du problème effectivement posé » estime Care. La question posée, pour le Think Tank, est celle de savoir pourquoi des entreprises qui importent des marchandises prennent le risque de ne pas restituer les conteneurs dans lesquelles celles-ci sont entreposées. Et donc pourquoi, en d’autres termes, prennent-elles le risque de payer entre 40 USD et 100 USD par jour et par container en frais d’entreposage plutôt que de vider rapidement les conteneurs et de les restituer à leur propriétaire ? S’agit-il en d’autres termes de négligences de leur part ? Choisissent-elles volontairement d’utiliser les conteneurs comme espaces d’entreposage parce qu’elles estiment que le coût d’utilisation du conteneur est plus avantageux que la location d’autres espaces de stockage plus appropriés ? Après 30 jours, cela couterait 3 000 USD par container par mois, ou 384 000 dinars pour 30 m2 d’entreposage. Ce serait l’équivalent d’un loyer de 1 280 000 DA pour un espace d’entreposage de 100 m2. Cela couterait ainsi 2 à 3 fois plus cher que de louer un bâtiment à Hydra pour stocker sa marchandise. Faut-il réglementer sur la base de cette hypothèse ? Ne vaut-il pas mieux considérer l’hypothèse que ces retards dans la restitution des conteneurs pourraient être dus à des complications administratives ou des difficultés procédurières. Répondre à ce type de questions est fondamental et, pour cela, il importe de distinguer quatre volets différents du problème ainsi posé.

Ne sanctionner l’entreprise importatrice que là où sa responsabilité est effectivement établie

Selon Care l’application potentielle d’amendes financières serait vraiment efficace et dissuasive s’il s’agissait de sanctionner des choix de gestion opérés par les entreprises que ce soit de manière délibérée ou par négligence ; en revanche, aucune amende n’induira de changement significatif si elle se rapporte à des contraintes de nature bureaucratique dont la solution ne dépend pas réellement de la diligence ou de la responsabilité des chefs d’entreprise. Dans ces conditions, indique Care, il serait raisonnable dans un premier temps de faire la distinction entre les délais de mobilisation des conteneurs selon qu’ils soient à l’intérieur ou l’extérieur des enceintes portuaires, ou bien avant et après la finalisation des procédures de dédouanement des marchandises concernées. « En ce sens, pour la partie des délais courant après l’autorisation d’enlèvement des marchandises délivrée par les services des douanes, il n’y a aucune objection à ce que des amendes financières alourdies soient appliquées sur tout conteneur qui ne serait pas restitué dans un délai encore plus réduit, soit dix à quinze jours » souligne le Think Tank. Ce dernier insiste sur la nécessité de traiter sur le fond la question des procédures préalables au dédouanement des marchandises importées. Sur ce point, Care constate les délais et le coût des procédures d’enlèvement des marchandises sont très loin des standards en vigueur dans les pays de l’OCDE. Ils accusent même de grands retards par rapport aux pays de la région MENA, une région qui est pourtant, sur ce terrain, une des moins bien positionnées par rapport au reste du monde. Du coup, le Think Tank recommande la mise en place d’une instance de coordination de l’action des différents intervenants, comme il en existe dans tous les ports du monde. L’enjeu de cette forme de coordination est de faire en sorte d’aider les entreprises locales à enlever leurs marchandises aussi rapidement que possible et avec un coût aussi réduit que possible. « Ce qui est certain, à contrario, c’est que l’application d’amendes financières ne fera que pénaliser davantage nos entreprises, sans aucun avantage en retour en termes de délais d’enlèvement des conteneurs, ni de diminution des surestaries payées en devises » affirme Care.

Lever rapidement cette interdiction d’importation des conteneurs usagés

En plus des faiblesses de la coordination au sein des enceintes portuaires, CARE signale, également, l’impact néfaste de certaines incohérences de nos réglementations, parmi lesquelles il faut relever celle interdisant l’importation de conteneurs usagés. A la base, cette interdiction édictée par la loi des finances pour 1994 (article 123) avait pour objet d’éviter les transferts illicites de fonds à l’étranger sous couvert d’achat de matériels sans valeur réelle, à un moment où le pays commençait à ouvrir son économie et son commerce extérieur. « Après avoir été amendée à de multiples reprises, cette législation a été in fine largement assouplie à l’occasion de la LFC pour l’année 2020, sauf que son article 57 a maintenu l’interdiction pour les équipements de transport de marchandises, ce qui inclut donc les conteneurs même si telle n’était sans doute pas là, la volonté expresse du législateur » indique le Think Tank, évoquant une « situation absurde » dans laquelle les entreprises sont amenées à payer des surcoûts élevés pour cause d’immobilisation de leurs conteneurs, alors que, pour le même prix, elles achèteraient les containers tout simplement. Du coup Care recommande de lever rapidement cette interdiction d’importation des conteneurs usagés, soit via une disposition particulière à insérer dans le projet de la loi de finances pour 2021, soit via le texte d’application qui est prévu par l’article 57 de la LFC 2020, dans lequel on préciserait que les conteneurs usagés ne sont pas considérés comme des équipements de transport et qu’ils pourront donc être importés dédouanés dorénavant.

Le problème de fond à la base des surestaries : le temps de séjour des navires au port

Pour le Think Tank, dans la mesure où les autorités souhaitent vraiment réduire le niveau des surcoûts en devises sur les transferts liés au transport maritime de marchandises, dans le contexte actuel de tensions très fortes qui s’exercent sur les comptes extérieurs du pays, l’axe de travail sur lequel elles devraient se concentrer est sans conteste celui consistant à réduire le délai de séjour des navires dans les ports algériens. « Le délai de séjour des navires dans les ports algériens est en moyenne de 3 à 4 fois la norme observable à travers le monde. En termes de classement, notre pays se situe dans les tous derniers rangs mondiaux, une situation qui est profondément anormale et que les autorités économiques nationales devraient travailler activement et rapidement à solutionner » relève Care. « Les chiffres appropriés ne sont pas rendus publics, mais on peut estimer que les surcoûts résultant de ce manque de compétitivité dans la gestion de nos ports commerciaux se montent annuellement à plusieurs centaines de millions de dollars » affirme le Think Tank. Ce dernier que les autorités économiques ne devraient pas s’engager dans des mesures précipitées qui, outre qu’elles pénalisent lourdement les entreprises, ne s’attaquent pas aux sources profondes des surcoûts qui grèvent la gestion de notre commerce extérieur. Par-dessus tout, et plutôt que de continuer à jeter systématiquement l’opprobre sur les entreprises importatrices, il serait plus indiqué de procéder au préalable aux expertises techniques des différents volets de l’organisation de nos échanges extérieurs. Et d’y apporter des réponses rapides et appropriées.

A.S.

http://www.transactiondalgerie.com/index.php/actualite/12832-instauration-d-amendes-sur-les-conteneurs-les-recommandations-de-care